IMAGINER UN NOUVEAU MONDE - 2

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Le monde : quel monde ?

803 Rayon jaune

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Quand je parle du monde, des misères du monde, ou de changer le monde, de quel monde est-ce que je parle ? Car le mot « monde » a un sens très large. Il peut signifier l’univers, la Terre, la vie et l’activité humaine qui existent à la surface de la Terre, il peut signifier aussi l’humanité ou la société. Pour moi, mon monde peut signifier ma culture, mon pays, ma région, ma ville ou mon village, et il peut signifier mon environnement proche, ma famille, mes amis, et finalement moi-même, mon corps, composé de milliards de cellules, que je perçois comme le centre de l’univers. Tous ces mondes sont comme des poupées russes, ils sont les uns à l’intérieur des autres, du plus grand au plus petit, et ils ne s’excluent pas, je suis dans tous à la fois.

Ces mondes concentriques constituent le monde matériel, le monde à trois dimensions que je perçois avec mes sens. Mais sont-ils réels pour autant ? Est-ce que mes sens sont un moyen fiable de perception ? Si j’observe les choses attentivement, et avec un peu de recul, je peux en douter. Ce que j’appelle la matière, celle que je peux toucher avec mes doigts et dont je perçois les formes et les couleurs avec mes yeux, c’est de l’énergie en mouvement, en constante transformation ; elle se manifeste alternativement sous forme d’ondes ou de particules, et ces particules, qui me semblent dures et solides, sont constituées de 99,999 % de vide. L’espace entre les particules ressemble au vide du ciel que je vois entre les étoiles. Si on enlevait ce vide, la masse solide de l’univers rentrerait dans un dé à coudre. Alors, le monde matériel, est-il réel ou est-il une illusion, comme l’ont toujours suggéré les sages ?

Chaque aspect du monde matériel, l’esprit humain a essayé de le comprendre, et il l’a disséqué, analysé, divisé en parties distinctes, auxquelles il a donné des noms, ou qu’il a continué à appeler mondes, en les accompagnant d’un adjectif. Ces mondes ne sont plus inclusifs, ils sont exclusifs, ils ne se superposent plus, ils se juxtaposent, et constituent la complexité de la nature humaine et des différents aspects de notre environnement.

Alors, quand je parle de changer le monde, de quel monde s’agit-il ? Avant de pouvoir répondre à cette question, il faudrait me demander dans quel monde, ou plutôt dans quels mondes, je vis. Pour ne citer que quelques exemples des mondes humains : 

  • Familial, professionnel, économique, politique, universitaire, scientifique, de la recherche, militaire, carcéral, médical, hospitalier.
  • De la paix ou de la guerre, du pouvoir et de la soumission, de la richesse et de la pauvreté.
  • De la ville, de la campagne, de la nature, des loisirs, du sport, des vacances, du sexe.
  • Artistique, créatif, littéraire, cinématographique, philosophique, spirituel, religieux.
  • De la drogue, de la maladie, des psychoses, de la mégalomanie, de la schizophrénie, de la dépression.
  • Ces mondes peuvent être de natures diverses, ils peuvent être individuels, tribaux ou collectifs, matériels, virtuels ou imaginaires, passés, présents ou futurs, réels, fictifs, oniriques ou utopiques.


Quoiqu’il appréhende, l’homme est capable d’en faire un monde, qu’il verra comme un domaine dont il est l’expert, un patrimoine qu’il s’attribue avec fierté, ou une source de problème dont il se sent la victime.

Quand j’ai trouvé dans lesquels de ces mondes je vis, je peux me demander dans lesquels je ne veux plus vivre, ou dans lesquels je désire vivre. Et lesquels de ces mondes ne me conviennent pas, pour que j’aie envie de les changer ? Et ai-je les moyens, les capacités, le pouvoir de les changer ? Quelle juridiction ai-je sur ces mondes ? 

Il faut alors me demander qui a créé ces mondes, à qui ils appartiennent, et pourquoi est-ce que je m’y trouve ? Soit c’est moi qui les ai créés, ils m’appartiennent et c’est moi qui ai choisi d’y vivre. Alors je suis libre de les changer, de les supprimer, de les quitter ou d’en créer d’autres.

Soit ce n’est pas moi qui les ai créés et ils ne m’appartiennent pas. Alors pourquoi est-ce que j’y vis ? Y suis-je rentrés de mon plein gré, y ai-je été forcé, ai-je été conditionné, manipulé, trompé pour y rentrer ? Dans ces mondes, quels rôles est-ce que je joue : celui d’un leader ou d’un laquais, d’une victime ou d’un bourreau, d’un résistant ou d’un collaborateur ? Y suis-je heureux ou malheureux, joyeux ou triste, optimiste ou pessimiste, colérique ou soumis, avide ou satisfait ?

Dans ce cas, est-ce vraiment dramatique ? Parmi mes mondes, il y en a peut-être plusieurs qui fonctionnent très bien et dans lesquels je suis heureux, mais un ou deux qui ne me plaisent pas. Pourquoi est-ce qu’ils me dérangent ? Comme rien n’est jamais parfait dans l’existence  phénoménale, améliorer ou changer le monde qui ne va pas risque de perturber ceux qui vont bien. Mais si le monde qui ne va pas est vraiment insupportable, suis-je prêt à tout quitter, à y renoncer plutôt que de continuer à me soumettre à l’inacceptable ? Suis-je enfermé, ou pourrais-je partir, fuir, m’évader, m’exiler ? Qu’est-ce qui me retient ? Suis-je capable d’accepter ma condition, de m’y habituer, de voir ses bons côtés plutôt que les mauvais ? Puis-je agir pour faire bouger les choses, pour les changer, faire une révolution ou un coup d’état pour prendre le pouvoir ?

Le monde que je voudrais changer, est-ce que j’en fais vraiment partie, est-ce qu’il me concerne, est-il un monde physique, ou n’est-il qu’une pensée, qu’un imaginaire ? Voilà les questions à me poser avant de m’engager à changer le monde. Car s’il n’est qu’une pensée, je pourrais simplement changer ma façon de penser…

 

7 février 2022, Chiang Mai

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