IMAGINER UN NOUVEAU MONDE - 2

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Créer un monde nouveau

723 Rayon jaune

723 Rayon jaune

Quand je dis que je voudrais changer le monde, créer un monde nouveau – ce que je dis souvent et que j’essaie bien timidement de faire à mon modeste niveau – je ne dis pas que je voudrais changer la vie. La vie, je me contente de la regarder. Changer le monde, pour moi, ne veut pas dire changer l’univers, ni même changer la Terre (peut-être la nettoyer !), mais changer la société. Et je n’aspire pas à changer la société des fourmis, des gazelles, des mouettes ou des baleines, mais la société humaine. Et peut-on espérer la changer sans changer l’homme, dont elle est le reflet ? Changer l’homme, pour moi, cela signifie l’éveiller, élever son niveau de conscience. Pour cela, n’il y a que trois choses fondamentales à changer : transformer son avidité en générosité ; transformer sa malveillance (haine, colère, violence) en bienveillance et en amour ; transformer sa bêtise et son ignorance (de la vraie nature des choses et de la vie) en sagesse.

L’avidité, la malveillance et l’ignorance sont ce que le Bouddha appelait les trois poisons. Nous pouvons les observer en nous, au quotidien, même si, au niveau individuel, nous avons aussi nos moments de générosité, de bienveillance et de sagesse. Mais, dans la société, dès qu’on met plusieurs êtres humains ensemble, ces moments deviennent très rares, et ils le sont encore plus chez la plupart de ceux qui dirigent le monde, c’est-à-dire la société humaine.

C’est triste de voir, par exemple, que les grandes puissances ne sont pas capables de s’entendre, elles sont toujours en guerre, chaude ou froide. Elles sont mues par leur avidité, avidité d’argent, de pouvoir, de territoires, de ressources naturelles, et l’avidité, pour se satisfaire, conduit toujours à la malveillance (la haine et la violence), donc aux conflits et aux guerres. Même si ces comportements n’ont toujours produit, dans l’histoire humaine, que souffrances et misère, l’homme continue à faire les mêmes erreurs : c’est cela la bêtise et l’ignorance.

Il faut dire que le système capitaliste, sur lequel fonctionnent nos sociétés, est fondé sur l’avidité, la malveillance et l’ignorance. Alors comment nos sociétés pourraient-elles être différentes ? Le système capitaliste est basé sur le principe gagne/perd. Ce que quelqu'un gagne, il y a toujours quelqu'un d’autre qui le perd. Donc l’avidité du gagnant est inséparable de sa malveillance pour le perdant. Persister à utiliser ce système est de la bêtise, car comme dans les guerres, il n’y a, en fin de compte, si on observe bien, que des perdants, puisque les gagnants et les perdants vivent tous dans le même monde, un monde de souffrance, de conflits et de dysharmonie. Si la vie des gagnants peut sembler un peu plus confortable, elle n’est souvent pas plus heureuse. Cela paraît pourtant simple et facile à comprendre, mais la plupart des êtres humains, et surtout ceux qui sont dans des positions de pouvoir, semblent incapables de le comprendre.

Si on observe tous les domaines de l’activité humaine, on voit qu’il y a partout des problèmes, parce que, quand on regarde comment ces domaines sont gérés, on constate que ceux qui les gèrent ont tout faux. Les principes et les postulats sur lesquels est fondée la société sont faux, mais ils sont admis comme justes – ils sont économiquement et politiquement corrects – et ils ne sont jamais remis en question. Donc, on ne peut pas changer les choses, changer le monde, créer un nouveau monde, on peut seulement essayer de réparer, de soigner, d’améliorer le monde existant. Mais comme sa maladie est chronique et mortelle, tant qu’on n’éliminera pas ses causes, qui sont les postulats erronés sur lesquels est fondée la société, il n’y aura ni cure ni issue possible. On s’imagine que la technologie pourra résoudre tous les problèmes, mais elle ne sera jamais qu’un pansement, peut-être très sophistiqué, sur une jambe de bois. Et avec une jambe de bois, la société sera toujours boiteuse.

 

22 juin 2022, Chiang Mai

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