IMAGINER UN NOUVEAU MONDE - 2

IMAGINER UN NOUVEAU MONDE - 2

Menu

Quitter ce monde

784 Rayon rouge
784 Rayon rouge

Marie m’a dit qu’elle s’efforçait, en suivant les enseignements de Mooji*, d’atteindre une réalisation qui lui permettrait de ne plus se réincarner dans ce monde de souffrance.

Voici les idées qui me viennent par rapport ce désir :

Au lieu de vivre le moment présent, elle projette un but hypothétique, l’éveil, dans le futur. C’est l’ego qui souffre dans ce monde et qui désire quitter ce monde pour ne plus souffrir. Cet ego ressent un manque, qu’une démarche spirituelle pourrait combler. Pour l’instant, il n’est pas ce qu’il désire être : éveillé. Ce désir, comme il est inassouvi, crée attente, insatisfaction et souffrance.

L’idée de réincarnation dans une autre vie est une image pédagogique. Elle concerne un ego illusoire qui se prend pour une entité inhérente et qui s’imagine qu’il a la possibilité de se réincarner ou de ne pas se réincarner. La vraie réincarnation ne se fait pas de vie en vie, mais d’instant en instant. C’est la manifestation, la forme, qui se réincarne, une pulsation entre le manifesté et le non-manifesté, ou entre la forme et la vacuité, comme les pulsations entre les ondes et les particules au niveau de la matière. Si on croit qu’il y a un soi, c’est le soi qui se réincarne d’instant en instant. Si on ne croit pas qu’il y a un soi, il n’y a plus de soi qui se réincarne, mais il n’est pas nécessaire de mourir pour cela.

La souffrance est une illusion qui se manifeste lorsqu’on n’accepte pas les choses telles qu’elles sont, mais qu’on voudrait qu’elles soient différentes. Lorsqu’on aime ce qui est, comme dit Byron Katie, la vie dans ce monde n’est pas un problème, et l’idée de vouloir le quitter n’apparaît pas.

Il n’y a pas de non-manifesté qui existerait en dehors du manifesté, ou de Dieu qui existerait en dehors de la création. Ce sont deux aspects de la même réalité, qui sont inséparables. Rien ne peut exister en dehors de la totalité, dont tout fait partie. C’est pourquoi aucune réalité n’existe en dehors de notre vie quotidienne, et s’imaginer qu’on pourrait disparaître dans la vacuité si on pratique bien ou qu’on écoute tous les jours des satsangs*, est une utopie. Par contre, on peut réaliser que la vie est merveilleuse, qu’elle est un émerveillement de chaque instant, même si par moment on l’oublie ; mais la pratique permet de l’oublier de moins en moins.

C’est toujours le même monde, où certains vivent en s’imaginant qu’ils sont un soi séparé et souffrent, alors que d’autres ne croient plus au soi et s’émerveillent ; c’est la vie qui s’émerveille, en prenant la forme d’un corps et d’un esprit. Mais si on s’imagine être la pure conscience, le non-manifesté ou être en union avec Dieu, cela signifie qu’il y a toujours un soi subtil qui s’identifie à ces concepts abstraits, car il a peur de ne rien être. Ce n’est pas beaucoup mieux que de s’identifier au corps ou au mental, et, contrairement à ce que certains s’imaginent, ce n’est pas le vrai éveil, mais l’obstacle où beaucoup s’arrêtent croyant être arrivés. Ce n’est qu’en ayant le courage de retourner dans la matière, dans le monde, sur la place du marché, que le soi peut disparaître complètement et laisser la vie faire fonctionner spontanément le corps et le mental, comme elle a toujours fait fonctionner nos organes et nos cellules. Alors enfin, il n’y a plus personne qui juge, qui critique, qui commente et qui réagit psychologiquement au déroulement de la réalité, en essayant de la contrôler ou en se prenant pour un témoin, un sujet ou un éveillé. Quelle joie !


Mooji (né en 1954) : d’origine jamaïcaine, Mooji fut un disciple de H.W.L. Poonja. Il enseigne l’advaïta vedanta dans la tradition de Ramana Maharshi et vit à Monte Sahaja, au Portugal, dans l’ashram qu’il a créé.

Satsang (sanscrit) : littér. être en compagnie de la vérité. Désigne les assemblées qui se constituent autour d’un guru qui enseigne la non-dualité. 

 

13 janvier 2017, Chiang Mai

Site créé par Pierre Wittmann